dimanche 8 mars 2015

3- Le conte du petit sexe qui était tout triste 

 Vous dire, tout d'abord, que le sexe appartenait au début de sa vie de sexe à une petite fille qui s'appelait Larelmi.
Si surprenant que cela puisse paraître, ce sexe n'avait jamais reçu de marque d'amour et surtout de tendresse. Il n'avait jamais fait l'objet d'une attention tendre, bienveillante. En fait, on s'occupait de lui... seulement quand il n'allait pas bien. Au petit matin, quand sa fente restée collée par les fatigues de la nuit, on le lavait à grande eau, avec du savon, sans trop de précautions ni de douceur.
- Maman, c'est tout collé...
- Ce n'est rien je vais faire ta toilette.
- Maman, ça pique, ça me gratte...
Quand il était irrité ou qu'il avait une petite affection, on le soignait avec une pommade, et quelquefois avec des antibiotiques.
- Ce n'est pas grave, je te badigeonne avec cette pommade, ça va faire du bien.

Un jour, il s'était mis à saigner très fort.

 - Maman, ça saigne, j'ai plein de sang partout...
La mère de la petite fille avait lancé de haut, au-dessus de la tête du petit
sexe :

- C'est normal, tu es une femme maintenant, les ennuis ne font que commencer!

Et puis un jour, dans une rencontre plus intime avec un garçon, une sorte de force brutale l'avait déchiré. Le sexe de la jeune fille qui n'avait pas été préparé, éveillé, s'était senti un peu brutalisé, pas du tout compris.

Par la suite, il avait tenté de s'affirmer, mais le malentendu était installé pour longtemps, entre lui et celle qui le portait.

Ainsi au long des années, ce sexe féminin s'était replié sur lui-même, s'était refermé, anesthésié, endormi. Il avait même tenté de se faire oublier, pensant : "Moins je me manifeste, mieux c'est!"

Et aujourd'hui, porté par une femme au mitan de sa vie, il ne savait plus accueillir, recevoir ou s'enthousiasmer aux caresses, aux baisers, aux stimulations venues du dehors.

En fait, il vivait apeuré, rétréci, tout recroquevillé dans la crainte permanente de se laisser aller, se s'abandonner.
La femme qui le portait aurait bien voulu, elle, s'abandonner, entrer dans le plaisir, lâcher prise, s'ouvrir à la jouissance, mais lui, tel un vaillant petit soldat, résistait. Il avait oublié depuis longtemps contre quoi il se battait. Mais il continuait à le faire. L'incommunication entre elle et lui était bien structurée!
Près de quarante ans que cette guérilla durait. Il semblait n'y avoir aucune issue. Ce petit sexe faisait preuve d'une passivité formidable. Ben sûr, nous qui sommes à l'extérieur, nous savons que cette résistance, cette passivité, avait un sens, qu'il correspondait à un appel, à un besoin de reconnaissance.

Ce que j'ai appris dernièrement, c'est que la femme qui portait ce sexe depuis si longtemps dans son corps décida un jour d'en prendre soin, de s'occuper mieux de lui, de commencer à l'aimer. Jusque là elle avait implicitement confié cette mission aux hommes qu'elle rencontrait sur un plan intime, mais depuis quelque temps elle avait pris la décision de se responsabiliser. Cela va vous étonner, tout ce qu'on peut faire pour son sexe quand on décide de prendre soin de lui!

Elle sortit en ville et acheta une belle rose qu'elle offrit à son sexe. Le lendemain, elle lui fit écouter du Mozart et même du Jean-Sébastien Bach. Elle fut émue, pleura longtemps dans son corps quand elle découvrit que jamais, jamais durant toutes ces années, elle n'avait donné la plus petite marque d'amour à son propre sexe, qu'elle l'avait considéré, sans s'en rendre compte, comme un corps étranger dans son propre corps.

Elle commença par lui apprendre à respirer, puis à rire au creux de son ventre, et bien sûr à ruisseler de l'intérieur comme une source secrète. Elle avait lu quelque part qu'il existait des femmes fontaines, dont la source profonde ne se tarit jamais.

Elle décida de lui donner un nom connu d'elle seule, ce qui lui permit de dialoguer avec lui.
Elle prit aussi un engagement vis-à-vis d'elle même, celui de ne pas s'endormir le soir sans se poser la question: "Quelles marques d'amour, quelles attentions ai-je pu donner aujourd'hui à mon sexe ?"

Et elle prit un autre engagement encore plus important.

Si un jour elle avait une petite fille, elle lui apprendrait à écouter son sexe, à lui parler, à lui faire des petits cadeaux et à le respecter comme quelque chose de précieux et d'essentiel. 

Elle l'inviterait à prendre soin de lui, non pas seulement quand il aurait un ennui ou une difficulté, mais dans une relation suivie de bienveillance et de respect.





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